Tohu-bohu dans les universités autrichiennes sur la réforme LMD

Libération, le 6 novembre

Par CHRISTOPHE DANVERS Vienne, de notre correspondant

Une odeur d’oignon et de tabac surprend le visiteur qui s’aventure ces jours-ci dans les couloirs de l’université de Vienne. Depuis deux semaines, les étudiants occupent l’amphithéâtre principal. Quelques étudiants dorment dans leur sac de couchage, allongés sur des bancs ou à même le sol, des gobelets en plastique avec un fond de soupe s’amoncellent sur les tables tandis que d’autres s’affairent, imperturbables, sur leur ordinateur portable. Ils relaient les derniers développements en continu sur un page Internet créé [NDJS unE page crééE ?] pour l’occasion, sur Facebook et Twitter.

Dans un pays où, il y a peu, le temps de grève moyen ne dépassait pas une minute par an, l’ampleur du mouvement surprend. Les étudiants des beaux-arts, soutenus par leurs professeurs, ont lancé la grève [NDJS, ils ne sont pas en grève] et ont été très vite rejoints par les étudiants de l’université de Vienne [pas en grève non plus]. En quelques jours, la contestation gagnait les principales facultés du pays. A l’origine du mécontentement, l’application du processus de Bologne et la mise en place du cursus dit LMD (licence, master, doctorat), incompatible, selon les étudiants des beaux-arts, avec la liberté qu’exigent des études artistiques. A cela s’ajoute la crainte de beaucoup d’étudiants de voir s’imposer un système de sélection à l’entrée du master. Mais à mesure que le mouvement grossissait, les revendications sont devenues plus générales : davantage d’argent pour les universités et libre accès aux études pour tous.

La gratuité des études et l’absence de concours d’entrée pour la majorité des cursus ont fait de l’Autriche une destination recherchée par beaucoup d’étudiants étrangers, notamment Allemands, refoulés des numerus clausus en vigueur chez eux. L’afflux massif, ces dernières années, de ces étudiants européens a servi de justification à la droite pour mettre en place une sélection à l’entrée des filières les plus courues, comme la médecine ou la psychologie. Le Parti conservateur souhaiterait maintenant généraliser cette mesure à l’ensemble des disciplines.

Pour l’heure, les étudiants ont obtenu une aide d’urgence de 34 millions d’euros ainsi qu’une promesse de porter les dépenses pour l’enseignement supérieur à 2% du PIB d’ici 2020 (1,3% en 2006). Annonce aussitôt critiquée par le principal syndicat étudiant qui rappelle que cet objectif était déjà prévu… pour 2015.

Côté gouvernement, Johannes Hahn, le ministre conservateur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’a de cesse d’exiger un retour des droits d’inscription - supprimés il y a un an par les socialistes - et une sélection générale à l’entrée de l’université. Sur ce point, la confusion règne au sein du gouvernement de coalition. Il y a quelques jours, Werner Faymann, le chancelier socialiste, créait la surprise en se déclarant lui aussi en faveur «d’une réglementation sur l’accès aux études universitaires». Avant de se rétracter deux jours plus tard.