A Vienne, le porte-parole de la communauté rom s'appelle Rudolf Sarközi
LEMONDE.FR : Article publié le 18.08.10
ormis les syllabes d'origine hongroise de leur nom et un goût affirmé pour la politique, ils n'ont pas grand-chose en commun : l'un, Nicolas Sarkozy, est chef de l'Etat français, et glabre ; l'autre, Rudolf Sarközi, visage rond et fières moustaches grisonnantes, n'est que conseiller d'arrondissement à Vienne, où il a travaillé jadis comme éboueur.

Il est aussi le porte-parole le plus connu en Autriche de la communauté rom, un groupe protégé, depuis 1993, au même titre que les autres minorités – slovène, hongroise, tchèque, croate ou slovaque – issues de l'ancien empire des Habsbourg.

"Au Burgenland, à la frontière avec la Hongrie, il est possible d'enseigner dans les écoles publiques en langue romani", rappelle au Monde M. Sarközi, né en 1944 dans un camp de concentration.

Vieux militant du Parti social-démocrate SPÖ, il suit avec inquiétude les mesures prises par les autorités françaises contre les Roms venus de Roumanie et de Bulgarie.

"Bien sûr, on ne peut laisser se développer des campements sans contrôle, il ne s'agit pas non plus de défendre la délinquance ou l'oisiveté. Mais si on offrait à ces gens des terrains où ils puissent vivre dignement, ce serait un pas vers l'intégration. Le point capital, qui exige le plus d'efforts, étant la formation des jeunes", souligne celui que l'extrême droite a surnommé "le roi tzigane".

UN PATRONYME TYPIQUE

Un million d'euros, reliquat des sommes allouées aux Roms autrichiens par le Fonds national d'indemnisation des victimes du nazisme (9 000 Roms et Sinti, sur 12 000 recensés avant-guerre, ont été exterminés), a été investi dans une fondation d'aide à la formation des jeunes, à condition qu'ils donnent des preuves de leur bonne volonté.

Sédentarisés de longue date, les Roms autrichiens restent trop souvent en marge ; leur nombre est estimé à quelque 30 000, sur 8,3 millions d'habitants, grâce aux immigrants poussés par les guerres interethniques dans l'ex-Yougoslavie.

"Nous avons alors connu des situations de précarité semblables à ce qu'on voit en France aujourd'hui", relève M. Sarközi. En février 1995, un attentat à la bombe avait tué quatre Roms à Oberwart, dans le Burgenland, suscitant l'émoi en Autriche.

Depuis cet épisode, attribué à l'extrémiste solitaire Franz Fuchs, qui s'est suicidé en prison, le calme est revenu. Mais M. Sarközi déplore que sa communauté, comme dans les autres pays d'Europe, soit trop peu présente dans le champ politique, notamment à cause de ses divisions. Les choses étaient sans doute plus simples à l'époque féodale, quand le comte Batthyany accordait sa protection aux Roms du Burgenland et les plaçait sous l'autorité exclusive de leur "voïvode" (chef régional), un certain Martin Sarközi.

Ce "voïvode" peut-il avoir une lointaine parenté avec la famille hongroise de Nicolas Sarkozy – version francisée de Sarközy –, anoblie en 1626 par l'empereur d'Autriche ? "Qui sait ?", se demande Rudolf Sarközi, qui note que ce patronyme est typiquement rom : "Certains, dans un souci d'intégration, l'ont même abandonné de crainte d'être stigmatisés."

Après l'élection de M. Sarkozy, en 2007, le président de l'Association culturelle des Roms d'Autriche lui a envoyé le livre où il raconte son combat pour la reconnaissance politique et juridique de sa communauté. Il a reçu un mot courtois du bureau de l'Elysée.

Joëlle Stolz